Saint-Trop’ échappe à la crise
Saint-Trop’ échappe à la crise
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Saint-Trop’ échappe à la crise

Depuis plus d’un siècle, artistes, célébrités et industriels du monde entier se retrouvent à Saint-Tropez. Si elle a perturbé tous les marchés, la débâcle survenue sur le front de la finance internationale au dernier trimestre 2008 n’a pas ébranlé le festif port de pêche, plus que jamais élevé au rang de valeur sûre.


Chaque année, l’encre de la presse people en goguette à Saint-Tropez coule à flot. Les uns évoquent les établissements et soirées branchés ; les autres montrent les vedettes alanguies au soleil azuréen. Tous reviennent sur l’authentique village fréquenté par Signac, Bonnard, Marquet, Picabia ou Matisse. Picasso y compose « l’Odalisque », un must de la période tendre. La première ville de Provence libérée en 1944 par les troupes alliées intéresse bientôt Brigitte Bardot, alors un jeune mannequin de seize printemps, les représentants de la Nouvelle Vague puis des Yé-yés dans son sillage. Edifiée au XVIe siècle, la citadelle campe un symbole fort, à l’instar de l’Annonciade, le précurseur français des musées d’art moderne inauguré en 1957. Le sentier du littoral, les domaines viticoles de la presqu’île et les villa-ges perchés de Ramatuelle et Gassin attirent les promeneurs. Les jet-setteurs comme les nantis disposent aujourd’hui de deux palaces et de huit hôtels quatre étoiles, mais surtout d’un parc immobilier de choix.

« La crise n’affecte pas Saint-Tropez outre mesure », annonce d’emblée Sonia Crulli de l’agence John Taylor. Bien sûr, Russes et Britanniques ne manifestent pas le même engouement que par le passé, remplacés par les Européens du nord. Le budget moyen évolue, cependant, entre 10 et 20 M €, quand l’amplitude s’échelonne, hors exception, de 5 à 30 M €. Pour 5 M €, on obtient une maison de village de 200 m2 ouverte sur un jardin de curé dans la partie ancienne. Moyennant 15 M €, on bénéficie d’une belle contemporaine de 300 m2 avec une belle vue mer, peu éloignée de la place des Lices, à Saint-Anne par exemple. Les pieds dans l’eau débutent aux alentours de 30 M €. Une propriété de plus de 500 m2 sur une parcelle de 2,5 ha, agrémentée d’un héliport, d’un court de tennis ou d’un espace piscine dernier cri, face à la Grande Bleue vaut 50 M €. En engageant une somme supérieure, on jouit d’un domaine de 1200 m2 habitables au cœur d’une pinède centenaire profitant d’un accès direct à l’immensité bleutée, une demeure familiale à la mode scandinave. « Le seul ralentissement observé sur la presqu’île dure le temps du réajustement des prix, de l’ordre de 10 à 20 % », reprend la responsable de John Taylor. La location saisonnière est plus réactive au contexte économique tendu. Les réservations démarrent tard ; les séjours passent du traditionnel mois à la quinzaine et la négociation porte sur l’introduction de services supplémentaires dans le package. Français, Américains et Moyen-Orientaux ciblent l’endroit, dont le taux de remplissage flirte en été avec les 70-80 % depuis déjà trois saisons.

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A Saint-Tropez, cette villa de 400 m2, construite en 1999 avec des matériaux de qualité, s’élève sur une parcelle paysagère de 3600 m2. Plus de 10 M €. John Taylor (04 94 97 07 30).
A Saint-Tropez, cette villa de 400 m2, construite en 1999 avec des matériaux de qualité, s’élève sur une parcelle paysagère de 3600 m2. Plus de 10 M €. John Taylor (04 94 97 07 30).
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Au calme, sur les hauteurs de Saint-Tropez, la maison principale (cinq chambres) et le pavillon d’amis s’ouvrent sur un terrain de plus de 5000 m2 face à la baie des Canoubiers. 9 M €. Emile Garcin (04 94 54 78 20).
Au calme, sur les hauteurs de Saint-Tropez, la maison principale (cinq chambres) et le pavillon d’amis s’ouvrent sur un terrain de plus de 5000 m2 face à la baie des Canoubiers. 9 M €. Emile Garcin (04 94 54 78 20).
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Au cœur d’un domaine fermé et gardé, cette propriété, entièrement rénovée, profite d’un jardin arboré de 2500 m2, orienté sur la baie de Pampelonne. Plus de 10 M €. John Taylor (04 94 97 07 30).
Au cœur d’un domaine fermé et gardé, cette propriété, entièrement rénovée, profite d’un jardin arboré de 2500 m2, orienté sur la baie de Pampelonne. Plus de 10 M €. John Taylor (04 94 97 07 30).

« Au niveau des quartiers, rien ne vient détrôner le quatuor gagnant », poursuit Jean-François Favelier de Burger Sotheby’s International Realty.. Les Parcs de Saint-Tropez, un domaine fermé et gardé, offre la garantie d’un voisinage de qualité. Le Capon et les Salins allient position centrale et plongées azur. Quant à Saint-Anne, il possède l’avantage, selon les plus sportifs, de l’accessibilité pédestre du centre. Le collectif affiche également quelques spécimens de prestige dans la vieille ville et sur le port, négociés de 8000 à 40.000 €/m2, en fonction de l’emplacement, du panorama et des prestations. Les Italiens et Nord-européens briguent le marché hétéroclite et ultra restreint. Toute analyse générale se heurte à la pénurie de produits et au manque de points de comparaison sur le secteur, nettement moins porteur que l’individuel. Le spécialiste avoue un léger recul d’activité par rapport à 2008, un excellent cru.

François Michel d’Emile Garcin a, pour sa part, de nombreuses raisons de se réjouir : malgré l’affaiblissement des fortunes établi par le magazine Forbes, il fait mieux qu’au précédent exercice. « L’an dernier, on se heurtait à des niveaux tarifaires trop élevés et à une absence évidente d’adéquation entre l’offre et la demande. Revenus à des prétentions plus raisonnables, les propriétaires véritablement vendeurs concrétisent, grâce à des acquéreurs bien décidés à saisir la tendance baissière. L’effort est d’autant plus important sur la gamme intermédiaire, dans la tourmente. » A l’instar de Portofino ou de La Barbade, Saint-Tropez s’inscrit au nombre des adresses incontournables. Il fait figure de club de rencontres estival, où le gratin se reçoit et conclut parfois des affaires. Le charme du bâti, les plages de sable, la végétation luxuriante et le sens inouï de la fête suffisent à justifier 90 % de résidents occasionnels parmi les acheteurs et un retour franc des Hexagonaux. Oubliée la rumeur de déperdition au profit du Maroc ou de la Croatie. La concurrence n’est décidément pas d’actualité. Les agents immobiliers dignes de ce nom professionnalisent le discours, recherchent les collaborations et entendent conforter le succès après la période euphorique, synonyme des pires débordements.

Par Laetitia Rossi