Les pieds dans l’eau : un micromarché
La Côte d’Azur, un Eldorado pour les amateurs de villas les pieds dans l’eau ? Certainement. Climat et paysages de rêve en font une terre bénie des dieux en général et de Poséidon en particulier.
Bien rare et très recherché que les agents immobiliers évoquent avec précaution, la villa les pieds dans l’eau est à différencier de celle construite en première ligne. Elle seule permet d’accéder directement à la mer, par un sentier ou des escaliers. Autre caractéristique qui lui est propre : la jouissance d’un ponton par arrêté d’occupation temporaire du domaine public maritime. Ces deux atouts qui n’appartiennent qu’à elle, ajouté à la rareté des produits à la vente, justifient les prix des transactions. Là encore, prudence. Car le vendeur comme l’acquéreur exigent une discrétion absolue qui confine à la confidentialité. La preuve : sur le littoral des Alpes-Maritimes, on évoque des prix supérieurs à 20 M €, sans plus. « En 1988, nous avions répertorié 1957 villas les pieds dans l’eau, entre Monaco et Saint-Tropez », déclarent Sonia Kovac et Michel Chassagne de Waterfront Property, une agence spécialisée dans ce type de produits. Aujourd’hui, l’agence en commercialise environ 50. Parmi lesquelles trois exemples sur Théoule-sur-Mer : des constructions aux surfaces habitables de l’ordre de 250 à 350 m2, sur de belles parcelles (entre 1300 et 2500 m2), magnifiquement arboré, avec piscine bien sûr et prestations très haut de gamme, pour des fourchettes de prix allant de 6 à 14 M €.
Le département compte quatre caps : le Cap Martin, le Cap Ferrat, le Cap d’Ail et le Cap d’Antibes qui attirent une clientèle internationale fortunée, férue de pieds dans l’eau. Le plus huppé de tous et également le plus cher reste le Cap Ferrat qui sépare Beaulieu-sur-Mer de Villefranche-sur-Mer. Baptisé « la presqu’île des milliardaires » et protégé par la loi Littoral, qui lui évite tout excès d’urbanisation, le cap se découvre grâce à un sentier pédestre de 11 km qui permet d’en faire le tour depuis la plage de Passable jusqu’au port du village de Saint-Jean. Un bien de 400 m2 habitables sur un terrain de 3000 m2 qui descend en pente jusqu’à la mer attend preneur pour une somme supérieure à 20 M €. Cap d’Ail a vu, depuis le début de 2012, plusieurs villas arriver sur le marché dont une survivante de la Belle Epoque, de 500 m2 habitables et 6 chambres, qui appartient à la même famille depuis sa construction. Haut lieu du pied dans l’eau, le Cap d’Antibes s’est développé vers le milieu du XIXe siècle. C’est à cette époque que de riches représentants de la Grande Albion et de la Russie se font construire de luxueuses demeures. Ici aussi, un sentier littoral, dit du Tirepoil, permet de faire le tour du cap depuis le parking de la Garoupe jusqu’à la Villa Eilenroc. Sur la côte ouest se trouve le charmant petit port de l’Olivette où quelques chanceux amarrent leurs pointus. Stars et célébrités ont fait de l’adresse un lieu de résidence secondaire où passer des vacances de rêve et recevoir somptueusement à l’abri des regards indiscrets. Au nombre de ces personnalités nanties, Roman Abramovitch, le milliardaire russe qui détient le club de football de Chelsea et qui a racheté en 2004 le château de la Croë. Cet exemple de château de style victorien, de 2000 m2 habitables, a été bâti en 1927 et a hébergé le roi Edouard VIII après son abdication. Autres exemples de pieds dans l’eau d’exception, la Villa Médi Roc et le château de la Garoupe. « Sur ce secteur, le ticket d’entrée ne se situe jamais en dessous de 5 M € et il peut atteindre les 100 M €. Mais peu importe le prix, la vente se fera toujours dans la discrétion », assure Aurélien Monnier de l’Agence du Cap d’Antibes. Actuellement, l’un des rares biens - pour ne pas dire le seul - sur le marché au Cap d’Antibes est une maison historique qui développe 1000 m2 habitables répartis entre l’habitation principale, celle des amis et du gardien, sur 1,2 ha de terrain, avec plage privée et accès par tender. 100 % de ces villas sont des résidences secondaires et la clientèle étrangère s’impose comme majoritaire dans les transactions. Dans les années 90, les Oligarques ont découvert la Côte d’Azur et ses propriétés d’exception. Aujourd’hui, les Russes sont plus que jamais présents sur le segment mais ce sont des hommes d’affaires, des self-made men, pour la plupart. Les professionnels notent un retour des Allemands et une bonne fréquentation des Suisses, des Belges, des Hollandais, des Américains, des Chinois et des Italiens. Les Français ? Ce sont de grands patrons, des entreprises du CAC 40 en général. Très souvent propriétaires de bateaux, l’acquéreur type aime la mer et réalise parfois un investissement patrimonial. « Ce micromarché demeure soutenu malgré la crise : les volumes restent constants et les prix évoluent », note Mathias Debois-Frogé de John Taylor Immobilier. Le stock est faible, l’offre limitée et l’intéressé peut attendre un an ou plus pour réaliser son rêve de pieds dans l’eau. Il se montre patient, sachant que la Côte d’Azur lui offrira ensuite la possibilité de se détendre et de profiter pleinement de loisirs multiples et variés, tant pour lui que pour sa famille, d’une sérénité qu’il n’a pas toujours dans son pays d’origine et d’un environnement paradisiaque.
