Les beaux quartiers de Cannes
La France est le pays le plus visité du monde, la Côte d’Azur, la seconde destination après Paris. Compromis idéal entre Nice l’urbaine et Saint-Tropez la saisonnière, Cannes fait les yeux doux aux Européens fortunés. De la bourgade de pêcheurs à la Cité des Festivals…
Cannes apparaît au sixième rang des villes les plus chères du monde selon une étude réalisée par Knight Frank et Citi Private Bank. Dans le quintette de tête, on dénombre quatre mégapoles, Londres (1), New York (3), Tokyo (4) et Hong-Kong (5), plus la Principauté de Monaco (2), forte de ses avantages fiscaux. La nouvelle ne surprend personne, moins encore les agents immobiliers locaux ; il convient, cependant, de nuancer l’effet d’annonce. La deuxième commune de congrès derrière la capitale possède autant de visages différents que de quartiers. Lorsque l’on évoque les secteurs les plus prisés, on n’aborde pas ou peu le marché des actifs et de la résidence principale. On s’intéresse à la vitrine du luxe, celle des palaces, des casinos et des prestigieuses boutiques, celle de La Croisette et de La Californie, celle, très médiatique, du Festival International du Film. Les signes du ralentissement national disparaissent à mesure que les budgets grimpent. Mieux, on manque de produits à 15 M € et au-delà.
Jean-Christophe Hym de l’agence Europa insiste sur deux facteurs primordiaux dans la détermination des cotes : l’emplacement et la vue Méditerranée. Autour du front de mer et du centre, se dressent trois collines : La Californie et Super-Cannes à l’est, La Croix-des-Gardes à l’ouest, Le Pezou, autrement-dit Oxford, Terrefial, Chemin des Collines et Corniche du Paradis, au nord-est. Les deux derniers cités, dans l’axe parfait de la baie, abritent les propriétés d’exception. La plus ancienne de la corniche, « Le Paradis Terrestre », récemment transformée sous la houlette de Gilles Pellerin, voisine avec une superbe réalisation contemporaine de l’architecte Marc Barani. Le Chemin des Collines, réputé pour ses colossaux ensembles, reçoit les Palais Florentin et Oriental, la villa de l’Emir du Qatar ou encore « Le 2 Juin », en référence à la fête nationale jordanienne. Ici, la transaction entre 12 et 14 M € s’avère courante. Dans la partie supérieure de La Californie, on découvre « Château Louis XIII », « La Tropicale » et « Bagatelle », 4000 m2 habitables au cœur d’un parc luxuriant de 1,7 ha. A Super-Cannes et sur La Croix-des-Gardes, on observe des maisons plus classiques, 250 m2 habitables sur 3000 m2 avec un panorama azur, entre 2,5 et 6 M € selon les prestations, de 4 à 5 M € en moyenne.
En matière d’appartements, La Californie n’a rien à envier à ses homologues. Elle propose des résidences de standing avec jardin, piscine, vue mer, voire tennis, et un prix moyen au-dessus de 12.000 €/m2. « Mariposa », « Sémiramis », « Champfleuri » et « Saint-Michel » tiennent le haut du pavé. Légèrement moins prestigieux et moins calme sur La Croix-des-Gardes, le segment collectif se négocie 9000 €/m2. La Croisette a pris des galons depuis le temps où on l’appelait encore Chemin de la Petite Croix… Au point de figurer au sommet de l’affiche avec un ticket d’entrée à 12.000 €/m2, toujours d’après le responsable de l’agence Europa. Un appartement en parfait état de 230 m2, sis dans la zone sélecte comprise entre Le Majestic et Le Carlton, est actuellement sous compromis à 6,7 M €, soit près de 30.000 €/m2. Un chiffre qui laisse songeur…
« C’est sur La Croix-des-Gardes que s’installent Lord Brougham en 1834 et, à sa suite, toute l’aristocratie anglaise. Il faut attendre la deuxième vague, instiguée par les Russes, pour que s’élève La Californie. Délimitée par les boulevards Saint-Michel à l’est, des Pharaons au nord, Maréchal Juin au sud et l’avenue des Pins à l’ouest, elle remporte, aujourd’hui, tous les suffrages », remarque Franck Magrey de l’agence Magrey & Sons. Désormais, les Cannois, qui n’ont plus les moyens de se loger dans ces quartiers, s’inclinent devant les trentenaires et les quadras anglo-Saxons, russes, scandinaves et moyen-orientaux. Si l’architecture locale s’inscrit dans diverses obédiences, Belle Epoque, provençale ou californienne, il convient de noter la tendance au contemporain et la désaffection du rustique. L’autre évolution concerne le collectif, un produit qui a augmenté dans de plus conséquentes proportions que l’individuel. Il y a deux ans, la demande se répartissait équitablement entre le bord de mer et les hauteurs. En 2007, le littoral cristallise seul toute l’attention. 80 % des acquéreurs exigent du clés en main. Beaucoup rêvent de villas sur le toit, un investissement rare générateur de plus-value. Quant au bien de charme, la maison de ville au Cannet Résidentiel ou au Suquet, il plaît de prime abord mais tient difficilement la comparaison avec des unités plus pratiques.
« Dans les beaux quartiers, point de recul de prix ou d’activité », poursuit Sylvain Boichut de l’agence John Taylor. La demande est soutenue et le stock de mise en vente lui reste inférieur. Ces trois dernières années, les célèbres propriétés ont changé de mains. Un Russe vient de se porter acquéreur de « Bagatelle » à 22 M €, une somme sous la valeur réelle, eu égard aux procédures attachées à l’ancienne adresse de Khalifa. Le record, jusqu’alors détenu par la résidence de l’homme d’affaires algérien, tombe avec la cession des Palais Florentin et Orientaux, soit 2800 m2 habitables à 31,5 M €. 20 M € ont été nécessaires pour « Le 2 Juin ». « La Tropicale » attend preneur, à l’instar du « Palais Vénétien », 1900 m2 à rénover et 600 m2 d’annexes sur un terrain de 2,6 ha, Croix-des-Gardes, mis en vente à plus de 20 M €. Le spécialiste croit beaucoup à l’essor du premier quartier cannois et espère y voir apparaître d’ici peu des propriétés à 10 M €.
Difficile d’aborder le haut de gamme sans traiter la reprofessionnalisation de l’immobilier. « A de tels niveaux de négociation, le travail ne se limite pas à présenter vendeurs et acheteurs. Si les deux parties ont besoin de retrouver une certaine confiance après des années d’euphorie, l’encadrement juridique et fiscal comme le service après-vente comptent autant », conclut Sylvain Boichut.
Par Laetitia Rossi.
