Le front de mer dans les Alpes-Maritimes
La Croisette sur Cannes, la Promenade des Anglais à Nice, Garavan et le Golfe Bleu, respectivement dans les communes de Menton et de Roquebrune-Cap Martin, sont des valeurs sûres, garanties par une pénurie de produits et une demande soutenue malgré une conjoncture économique peu favorable.
Jadis baptisée Chemin de la Petite Croix, La Croisette (Cannes) s’invite une fois l’an dans le petit écran, lors de l’incontournable Festival International du Film. Les travaux de l’une des artères les plus célèbres de la planète débutent à la fin des années 1850. En 1863, elle peut, enfin, accueillir des carrosses. Moins d’un siècle plus tard, le Palais des Festivals, emblème de la vocation cannoise, remplace le Cercle Nautique. Les illustres palaces, dont le Majestic Barrière, le Carlton et le Martinez, portent haut les couleurs du boulevard, classé à l’inventaire général du patrimoine, au même titre que les boutiques de luxe et les joailliers. La construction de la route reliant l’embouchure du Paillon et le vallon Saint-Philippe au sein de la capitale des Alpes-Maritimes, prévue à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer, démarre légèrement avant. Au fil des décennies, la Promenade des Anglais (Nice) rejoint Magnan, Carras et le Var, se parant d’hôtels, d’immeubles, d’un casino et même d’un aéroport marquant son terme. Dès 1920, la circulation automobile devient problématique. Reconnaissable à ses chaises bleues, ses pergolas, ses joggeurs, ses amateurs de roller et ses 8 km de plages, elle sert de cadre à la Bataille des Fleurs et au Carnaval. L’est du département n’est pas à la traîne : en témoignent Garavan, une corniche arborée juste avant la frontière italienne, et le Golfe Bleu, un véritable coin de paradis.
« Le centre Croisette, soit la portion comprise entre le Gray d’Albion et le Martinez, remporte tous les suffrages. Le secteur renferme des immeubles prestigieux tels que Le Relais de la Reine, le Palais d’Orsay ou le 67 Croisette, des entités aussi cotées que le Henry IV ou le 77 Croisette, une bâtisse récente tout de verre conçue, à quelques encablures seulement du périmètre béni des dieux », décrit Julien Mendjisky de John Taylor. Bien à l’abri des nuisances sonores de la voie ferrée, l’adresse, proche du Palais et des plages, se négocie entre 20.000 et 25.000 €/m2. L’exception flirte avec les 30.000 €/m2. Au début de l’été, la société orchestre la vente d’un toit-terrasse, 220 m2 ouverts sur 150 m2 d’extérieur, moyennant 7 M €. En septembre dernier, 110 m2 trouvent preneur à 2,5 M €. Les heureux propriétaires peuvent espérer un juteux retour locatif en période de congrès. Pour les entreprises internationales, une vitrine sur le rivage cannois constitue, en effet, un signe de bonne santé. Les grilles tarifaires changent radicalement du Suquet au Gray d’Albion et du port Canto au Palm Beach. Plus éloignées des animations et moins enclines à subir le passage des voitures, ces extrémités s’échelonnent de 10.000 à 20.000 €/m2. Moyen-Orientaux, Turcs, Européens de l’Est et du Nord s’offrent le quartier en résidence secondaire.
« La Promenade des Anglais affiche la même hétérogénéité. La partie Ponchettes-Gambetta reste la plus courue. La vieille ville se dresse derrière et le centre, pas loin. De magnifiques prestations, un étage élevé et une terrasse avoisinent 10.000 €/m2, quand le ticket d’entrée vaut 7000 €/m2 », précise Monika Cyrul de Nice Properties. Gambetta-Magnan oscille de 4000-6000 €/m2, le dernier tronçon avant l’aéroport, de 3000 à 5000 €/m2. Allemands, Anglais, Russes et Scandinaves paient leur pied-à-terre, développant de 100-150 m2, aux alentours de 1 M €. Le choix restreint de biens explique leur excellente résistance durant la crise. Malgré la présence du Ruhl et du Palais de la Méditerranée, la Prom aurait tout à apprendre de la belle cannoise. Il s’agit de repenser l’urbanisation, de réduire la circulation, d’aménager des espaces piétons et d’attirer les grands noms du prêt-à-porter et du bijou, les bars et les restaurants branchés. Au cours des derniers mois, l’hypothétique passage du tramway défraie la chronique : le sort du fleuron azuréen passionne les locaux.
« Les Italiens craquent littéralement pour le front de mer mentonnais et le Victoria Palace, une réalisation Cogedim âgée d’une dizaine d’années. Un appartement en bon état frise les 10.000 €/m2 », poursuit Catherine Laroche de L’Agence Côté Sun. Garavan, magnifiquement paysager, présente un habitat moins dense en retrait du littoral. La proximité des plages privées lui confère un certain chic. Anglais et Transalpins déboursent ici de 7000 €, dans l’ancien à rénover, à 10.000 €/m2, le ratio du grand standing. Sur Roquebrune, la bande définie par la piscine du Solenzara et le Cap Martin souffre la comparaison. Authentique et tranquille, le Golfe Bleu réunit, également, de nombreux adeptes. A 2 mn de marche de Monaco, le chemin de La Vigie attire les Russes, susceptibles d’engager jusqu’à 15.000 €/m2. Contrairement aux autres, le faubourg ne compose ni avec la route ni avec le train. Si les prix requis ne baissent pas, le volume de transactions fléchit et les négociations autorisent un différentiel entre les valeurs actées du précédent exercice et celles observées dernièrement de l’ordre de 10 %. « Décidément, le front de mer du 06 s’inscrit comme un bastion imprenable, le symbole suprême de l’art de vivre sur la Côte d’Azur », conclut la spécialiste.
Par Laetitia Rossi
