Cannes, une valeur sûre
C’est dans les situations délicates que l’on mesure pleinement la solidité d’un marché. A l’heure où tous les secteurs d’activité montrent leurs limites, l’immobilier cannois témoigne d’une belle résistance. Les secrets d’un investissement pérenne…
Il est des endroits que l’on ne présente plus. La deuxième ville française de congrès derrière Paris profite d’un environnement idyllique et d’un climat doux, à 30 mn seulement de l’aéroport international de Nice Côte d’Azur. Il y a un an à peine, les nantis du monde entier se bousculent sur La Croisette, sans doute le front de mer le plus médiatique de la planète. Les boutiques de luxe voisinent avec les hôtels quatre-étoiles. Même le parc immobilier soigne son look. Au point d’obtenir la sixième place du classement établi par Knight Frank et Citi Private Bank. Devant, on compte quatre mégapoles, Londres, New York, Tokyo et Hong-Kong, et une Principauté à la fiscalité fort intéressante : Monaco. On évoque une moyenne dans les quartiers cannois huppés de 15.000 €/m2. Mais déjà, les professionnels s’interrogent. Aguerris aux mécanismes cycliques, ils anticipent le retournement. En janvier 2008, le bas et le moyen de gamme s’enrhument dans tout le pays. Il faudra attendre la rentrée scolaire, la débâcle sur le front américain et le dérèglement des places financières pour que les secousses parviennent jusqu’à la Cité des Festivals.
Jean-Christophe Hym d’Europa avoue un recul des transactions. « Vendeurs, encore gourmands, et acheteurs, déjà opportunistes, ne s’entendent plus. Résultat des courses : les deux parties s’observent. Les Anglais, aux prises avec les mauvais points engrangés à la City et un immobilier londonien en chute, se font plus discrets. Les Russes, toujours présents, composent avec la baisse de la pierre moscovite et les -65 % accusés par la bourse. Même ceux que l’on attendait avec impatience, autrement dit les Chinois, seraient nettement moins prospères si l’on en croit le magazine Forbes. » Loin de sombrer dans le catastrophisme, actuellement très en vogue dans les médias, le spécialiste est assez serein quant aux biens intermédiaires - comprendre l’appartement entre 500.000 et 2 M € et la villa de 1 à 3 M €. Au cours des prochains mois, même si la demande faiblit et que les prix subissent une légère correction, Cannes trouvera son salut dans sa valeur-placement. Karim Abel de Croisette Properties signale le danger des conclusions trop hâtives. « Historiquement, l’automne reste la saison la plus calme, a fortiori celui-ci. L’examen du printemps 2009 sera davantage révélateur. Conjoncture oblige, certaines propositions que l’on n’aurait pas présentées aux propriétaires en décembre 2007 passent. Mais, il existe toujours un décalage entre ce que l’on entend et la réalité du terrain. Des agents locaux n’ont, par exemple, pas encore éprouvé le refus des banques ou la disparition totale d’une catégorie d’acquéreurs. Si on ne table pas sur un cru 2009 ultra porteur, certains retireront sûrement leurs positions boursières pour les investir dans l’immobilier. Rien n’est moins sûr que la diminution franche des prix. A terme, l’optimisme s’impose : la clientèle fortunée, qui possède pourtant de nombreux éléments de comparaison, ne tarit pas d’éloges sur l’excellent compromis cannois. Le site allie, en effet, stabilité politique, qualité de vie et proximité des grandes capitales. La situation ne surprend pas Sylvain Boichut de l’agence John Taylor, qui note l’âpreté des négociations et la tendance au paiement comptant. « On l’attendait depuis deux ans. Elle est juste plus rude à absorber parce qu’elle coïncide avec une dégradation du climat économique international. On assiste, en réalité, à la fin d’un cycle spéculatif, à la mort de l’opportunisme, à la faillite de l’immobilier boursier ». Au-delà de ces paramètres, finalement très conjoncturels, il convient de souligner les atouts de la belle azuréenne : « La mixité et la diversité du marché ouvrent de nombreuses perspectives. Un type de produits ou une clientèle rencontrent des difficultés, d’autres assurent la séance de rattrapage. Ainsi, les hauteurs de Golfe-Juan, dans la partie Cannes Eden, et Le Cannet, qui abrite les deux tiers du célèbre chemin des Collines, contribuent à la richesse de l’offre. »
« Porté par la rareté, le mètre carré se négocie sur La Croisette entre 15.000 et 35.000 €. La moyenne flirte avec les 25.000 €/m2. Le centre, communément appelé La Banane, varie de 4000 à 10.000 €/m2. Comme dans les autres grandes villes, il suscite un regain d’intérêt », poursuit Jean-Christophe Hym. « D’autant que de nombreux efforts viennent d’être consentis, comme la réfection des façades, l’élargissement de l’espace piéton ou la mise en valeur des commerces. La rue des Etats-Unis et la place du Commandant Maria témoignent de cette dynamique municipale », complète le Directeur Commercial de John Taylor. Les tensions s’avèrent plus perceptibles dans le collectif de La Californie, entre 10.000 et 15.000 €/m2, ou des quartiers résidentiels surplombant la baie de Cannes à l’instar de La Croix-des-Gardes ou de l’avenue de Lattre de Tassigny, de 5000 à 10.000 €/m2. Par essence moins onéreux, l’appartement se porte mieux que la villa, surtout dans les budgets inférieurs ou égaux à 1,5 M €. « Les amateurs d’individuel ont le choix entre la maison de ville, 70 à 300 m2 habitables sans terrain négociés de 1 à 2 M €, la demeure avec piscine et sans vue particulière de 2,3 à 2,8 M €, la résidence ouverte sur la Méditerranée, de 3 à 6 M €, et la propriété, au-dessus de 6 M € », analyse le responsable d’Europa. Concrètement, le segment se maintient jusqu’à 3 M €.
Plus que jamais, l’agent immobilier a un rôle à jouer. Il doit mettre son expertise au service du projet commun. D’ailleurs, il n’a pas d’intérêt véritable, sinon la commission immédiate, à cautionner une vente sous valeur. Par cette attitude, il risque purement et simplement d’accentuer la spirale baissière et la crise de la confiance.
Par Laetitia Rossi.
