Cannes, une bonne résistance
Le classement réalisé en 2007, par Knight Frank et Citi Private Bank, dans le cadre du rapport sur la richesse, place Cannes au 6e rang mondial des quartiers huppés les plus onéreux, derrière Londres, New York, Tokyo, Hong-Kong et la Principauté de Monaco. Bilan six ans plus tard...
Le classement évoque 15.000 €/m2 de ratio moyen dans les secteurs prisés. Sur le mythique front de mer, les palaces tiennent la dragée haute aux boutiques de luxe et aux restaurants tendances. Plus de trente hôtels d’au moins quatre étoiles, trois casinos et des bâtiments classés, hérités d’un temps où l’aristocratie anglaise découvrait le village de pêche à la suite de Lord Brougham. La deuxième ville hexagonale de congrès, l’une des plus touristiques du pays, remporte un franc succès auprès des amateurs de villégiature et des retraités. Le calendrier voit défiler le Midem, les NRJ Music Awards, le Mipim, le Miptv, le Mipcom ou encore le festival de la plaisance. Chaque année, en mai, la cité balnéaire s’invite dans les petits écrans des quatre coins de la planète, à l’occasion du Festival International du Film. Les trois collines, Super-Cannes, La Croix-des-Gardes et Le Pezou, s’articulent en amphithéâtre sur la baie, déclinant un choix de villas aussi généreux qu’hétéroclite.
« Globalement, le volume de transactions recule. Maintenant, Cannes fait preuve d’une belle capacité de résistance à l’échelle nationale et européenne, d’autant plus marquée sur le créneau du luxe, sous-tendu par les Européens de l’Est », démarre Karim Abel de Croisette Properties. Dans les quartiers résidentiels, tels que La Croisette ou La Californie, les prix se maintiennent. Certains parlent même de pénurie de biens de qualité - comprendre en parfait état. D’ailleurs, les références à rénover connaissent un allongement notable des délais d’écoulement. Parmi les dernières signatures orchestrées par Croisette Properties, le professionnel cite une villa entièrement restaurée de 450 m2 habitables sur un terrain de 2000 m2 orienté sur la Grande Bleue, tombée dans l’escarcelle d’un Russe à 8,5 M € après 10 % de négociation, ou un appartement de 250 m2 en étage élevé au sein d’une résidence de standing récente sise entre Le Martinez et Le Carlton, obtenu moyennant 8 M € par un Ukrainien. Les Européens de l’Est se séparent rarement de leurs acquisitions. Un Français, toujours en résidence secondaire, s’offre un penthouse de 110 m2 rénové, prolongé par 60 m2 d’espace en plein air, dans un immeuble, avec ascenseur, cave et parking, du centre, à 1,6 M €. Pour la clientèle locale, les tarifs sont souvent prohibitifs, sauf à bénéficier de la cession d’un premier bien. Les Français, à la retraite ou désireux de jouir d’un pied à terre de vacances susceptible de rapporter en location saisonnière, déboursent, en général, de 500.000 à 2,5 M €. Souvent, les attentes sont en décalages avec l’offre, les prestations, bien en deçà des critères requis. Avec les autochtones, ils représentent 30 % des acquéreurs de l’agence.
« 1998-2008 reste sans doute la décennie du dernier centenaire la plus impactée par l’inflation immobilière. Jusqu’à l’automne 2008. Depuis, l’heure est au ralentissement de l’activité et au tassement des prix. Désormais, les acheteurs sont cohérents et réalistes, et les vendeurs, à quelques exceptions près, en conscience des réalités de marché », note Jean-Christophe Hym de l’Agence Europa. Le spécialiste reconnaît une diminution générale du volume d’affaires, de l’ordre de 30 %, avant d’insister sur le maintien des prix. Cette réaction sensible au contexte économique international est d’autant plus prégnante que l’achat cannois se révèle, également, motivé par l’affect. L’intéressé peut facilement reporter son choix dans le temps ou sur la carte des villégiatures, quand le vendeur, rarement dans l’urgence de recouvrer des liquidités, est en mesure de préférer conserver son fief. Tous sont vigilants quant à la fiscalité, une imposition lourde qui entache la compétitivité des destinations françaises. Culturellement, les étrangers acceptent avec difficulté une taxe trop importante sur les plus-values ; à l’instar de l’ISF. La gamme 1,5-2,5 M € pour les maisons et 500.000-1,5 M € pour les appartements fonctionne bien, soutenue par les gens du cru, les Hexagonaux et les Européens en quête d’un havre de paix dans le sud de la France. Les segments individuel, à partir de 10 M €, et collectif, à compter de 3 M €, réunissent des adeptes, certes moins nombreux que par le passé. L’intermédiaire serait davantage à la peine. En l’espace de trois exercices, le délai d’écoulement a plus que doublé.
« Les actuelles tensions contribuent à assainir les stocks : les produits tendent à retrouver leur valeur réelle », admet Jennifer Charbit de Beauchamp Estates. Le placement cannois s’inscrit comme une valeur refuge et garantie à terme, une réserve patrimoniale incontestable. S’il faut composer avec une fiscalité lourde, 2012 présente une vitesse de croisière tout à fait acceptable. Depuis quelques semaines, des acheteurs, jusque là attentistes, se font plus pressants. Certains budgets dépassent même 20 M €. On ne s’offre pas seulement un bien dans la Cité des Festivals, mais aussi un art de vivre à la française et un climat d’une extrême douceur. Il n’est pas rare que des capitaines de l’industrie installent leur famille et effectuent les allers-retours professionnels.
